Le Pr Shanda Tonme, Président du MPDR (Mouvement Populaire pour le Dialogue et la Réconciliation) et Médiateur Universel s'est ouvertement exprimé sur la situation de la crise au NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest) à travers une message à son compatriote Mtr Akere Muna. Cette lettre date en effet du 15 janvier 2021 et fut rédigée comme suit :
Monsieur le Bâtonnier et très cher Compatriote,
Notre pays, celui que tu as servi, adulé, défendu et préservé, celui qui t’aura tout donné, adulé, élevé et protégé, connaît une situation des plus embêtantes dont je suis certain, ne te laisse pas tranquille. Aucun autre citoyen de notre pays, fusse-t-il le plus aigri, le plus haineux et le plus revanchard pour des raisons qui sont propres à chacun, ne peut en réalité être tranquille. En effet la succession des événements qui s’écrivent en lettres de sang et se composent en désespoirs pour autant de regrets et d’amertumes, semble à la fois indigne et inacceptable.
Depuis le démarrage du cycle de violences dans lequel est plongée la partie de notre pays dite anglophone, j’ai essayé jour après jour, événement après événement, de comprendre ta position, d’avoir une idée précise de ce que tu souhaites, de ce que tu conseilles, de la véritable posture qui est la tienne. Par moments, je me suis demandé si tu t’exprimais en leader politique indépendant, en citoyen concerné, en homme d’Etat en quête de revanche sur le sort, en dernier recours de ce peuple meurtri par la peine et les drames des destructions et des meurtres inutiles et barbares, ou alors en porte-voix implicite des révoltés qui se font appelés « Ambazoniens ».
Mon cher frère, cher Ami et très cher compatriote,
Mon trouble est profond, quand je sais comment, combien, et jusqu’où, ta famille biologique, tes frères et sœurs, tes parents, tous, ont servi ce pays, les auréoles dont ils ont été couverts, et les importantes fonctions qu’ils ont exercées pour notre tranquillité commune, notre développement, notre fraternité et notre vivre ensemble. Pour cela justement, pour tous ces faits d’armes irrémédiablement gravés dans la mémoire de notre peuple et consignés dans son patrimoine matériel et moral, j’ai toujours eu de toi une appréhension très positive.Je ressens pour toi, l’exigence d’une mission quasiment sacrée, en ce moment, toi le dernier des Mohicans.
Cher compatriote,
Tu excuseras ma relative pluralité de considérations et de félicités, de frère en ami et autre. C’est qu’au fond, tu es tout à la fois, et mériterait d’être le Cameroun fraternel, le Cameroun amical et familial, le Cameroun solidaire. Tu as défendu ce pays avec compétence, professionnalisme et loyauté quand il le fallait, quand tu as été appelé à le faire, partout et pour tout. Partant de là, j’avais vu en ta candidature à la dernière élection présidentielle, un engagement et un sursaut autant légitime que logique, qui se situait dans le sens des aiguilles d’une montre en progression, sur un chemin longuement, largement, méthodiquement et historiquement façonné par ta famille. Pour moi tu répondais à l’appel d’outre-tombe, de papa, patriarche Tandeng Muna.
Mais alors, le discours embrassé, secrété, brandi et ventilé dans cette course, a pris une autre tournure, étonnante tournure complètement à l’opposé de ce que j’attendais et que nombre d’autres compatriotes espérait. Tu es devenu hargneux, dissident et insaisissable, perdant de ton élégance, de ta majestueuse prudence langagière et surtout de ta légendaire convivialité.Du coup tu m’as jeté dans le trouble. Je ne comprends plus rien du tout, je ne vois plus vers où tu vas ou voudrais aller, dans un contexte où tout devient tantôt flou et tantôt clair. Je ne vois pas dans ta nouvelle posture, le costumeétincelant de certitudes que nous allons retrouver au plus vite, notre cohésion nationale. Je ne suis plus sûr que tu œuvre pour cela, que tu t’investis pour ce but.
La question centrale dorénavant, c’est, pourrais-tu trahir les fondements de la cohésion nationale de cet Etat que tu as servi loyalement ? Et si tu demeures dans la logique de la sauvegarde de cet Etat, qu’est ce qui te tient éloigné d’une initiative salutaire pour faire taire les souffrances des populations dans ces deux régions meurtries et pétrifiées d’horreurs ?
Monsieur le Bâtonnier,
Nous sommes sans aucun doute à la croisée des chemins, et chacun de nous doit se déterminer, annoncer comment il pense et envisage le Cameroun, avec, ou sans ses mutations, ses éventuelles réformes. Hélas, le sentiment répandu, et incontestablement réel, c’est le jeu imparfait, imprécis et parfois louche d’une élite grossièrement opportuniste et sournoise à dessein.
Je veux pouvoir, t’entendre nous montrer le chemin, clarifier tes propres positions, et nous rejoindre dans le processus d’un vrai dialogue, car faudrait-il le dire et le redire, le Chef de l’Etat et son Gouvernement, n’ont jamais déclaré le dialogue forclos, ni manigancé quoi que ce soit pour rendre toute rencontre avec qui que ce soit dans l’intérêt national impossible. De même, Le Chef de l’Etat et son gouvernement, n’ont jamais, directement ou indirectement, annoncé que la solution militaire était et demeure leur unique réponse face aux actes de destruction, de rébellion sanglante et d’attentats actés par des « Ambazoniens », révoltés réels ou supposés, soutenus plus ou moins ouvertement, par une élite qui tarde à faire tomber le masque.
Cher Ami, très cher Compatriote,
Ce que j’attends de toi, même nanti d’un passeport britannique, c’est que tu avances ouvertement comme un plénipotentiaire de ceux qui de la brousse ou fondus dans les populations innocentes, brûlent, tuent, torturent, assassinent et détruisent sous le prétexte de la quête d’une indépendance, qui ne repose sur aucune donnée historique, politique, diplomatique ou anthropologique imbattable.
J’ai écouté et lu patiemment notre frère Christopher Fomunuoh, lequel bien que citoyen américain, avait un moment, passé plusieurs semaines à faire le tour du pays, pour explorer ses chances en vue d’une candidature à l’élection présidentielle. On ne peut pas avoir tout eu hier d’un pays, en termes de moyens, de considérations, d’auréoles et de bonheur, et se proclamer ensuite ennemis du système. Un sentiment d’abus de confiance teinté d’escroquerie m’habite, lorsque je me retrouve à accuser ainsi une certaine élite, à requalifier les actes des politiciens et supposés politiciens des deux rives du Moungo.
De toi, et pour toi, nous sommes nombreux à ne pas ou à ne plus te comprendre. Non seulement la postérité ne comprendra pas non plus, mais plus grave elle ne pardonnera pas. Avance donc, cher frère, et assigne-toi un rôle positif et constructif, par honneur, par profond amour et révérence pour la mémoire de ton père, un si grand et inoubliable homme d’Etat. C’est de toi, que le maximum pourrait être exigé aujourd’hui, et j’affirme que le contraire serait une méprise pour ce que tu représentes dans l’histoire de notre pays. Je n’attends plus de voir le cardinal Tumi prendre le bâton de pèlerin pour dire la seule vérité qui compte, celle de l’inéluctabilité du dialogue et de la certitude de l’échec des armes et du terrorisme. Je veux te voir te lancer, t’asseoir, et examiner, comprendre et intégrer la cause dans l’assiette large et arc-en-ciel du dialogue. Je serai à tes côtés, et personne d’autre que toi ne le fera avec meilleure chance de réussite. L’histoire des peuples se construit positivement, parce qu’à un moment, des gens se lèvent, bravent les haines, les doutes, les désespoirs et les peurs, avancent et entonnent l’hymne du salut de la paix, de la fraternité et de la réconciliation.
Fais donc tomber la veste, retrousse les manches et rejoins-moi. Et si cela passe par un voyage en brousse, au cœur des enfants et des adultes de la sécession, alors, je t’accompagnerai, y compris pour passer plusieurs nuits et plusieurs jours. Et si les ficelles de la combine se sont au contraire grossies à l’étranger, où quelques réseaux excitent la guerre et cultivent haines et vengeances, je suis disposé à abandonner tout pour m’y rendre avec toi.Nous sommes capables de leur faire entendre raison, pas la raison de quelqu’un ou la raison d’une partie, mais bien la raison qui apparaitra la plus consensuelle pour tous.
Mon cher frère,