Les quatre-vingts ans du débarquement des troupes alliées sur les plages françaises de Normandie, viennent d’être célébrés en grande pompe. Le 6 juin 1944 marque le début de la seconde phase de ce qui allait aboutir à la délivrance des pays européens passés sous le joug d’autres pays européens. Le volet initial de ce processus salvateur avait eu son entame quelques mois plus tôt, à travers le débarquement en Italie, opération à laquelle prenaient activement part des soldats africains qui venaient de s’illustrer dans le désert du continent, face au redoutable Africa Korps du célèbre tacticien allemand le Maréchal Erwin Rommel.
Ce chapitre à la gloire des spahis d’Afrique du Nord et des tirailleurs d’Afrique subsaharienne est en passe de rentrer dans les oubliettes, à moins que les politiques et historiens ne prennent à cœur de l’exalter à la hauteur de l’ingratitude mémorielle des peuples dont la survie et l’essor sont liés à l’abnégation sacrificielle des africains. Ceux-là mêmes qui projettent de se réapproprier des territoires en Afrique, comme cela avait été le cas à l’issue de la conférence de Berlin de 1884. Il y a 140 ans. À l’époque, il était question d’éviter des guerres fratricides entre colonisateurs, notamment en Europe.
La suite est connue de tous. Les grands esprits dépositaires des valeurs civilisationnelles universelles, s’avéraient incapables de respect de la parole donnée. Car à peine trente ans plus tard, nous étions en 1914, éclatait en Europe la première guerre mondiale, et les hostilités gagnaient le bassin du Congo, espace pourtant déclaré neutre.
Rendus en 2024, voici qu’une fois de plus, et à partir de ce continent belligène dont on se demande quand est-ce qu’il connaîtra enfin la paix, les ingrédients d’une prochaine conflagration mondiale sont en train d’être insidieusement réunis. Le film des événements actuels est tellement confus, ses messages tellement contradictoires, et ses principaux acteurs tellement hypocrites, que nombreux sont ceux qui s’abandonnent à la seule contemplation de cette scène de prestidigitation planétaire, malgré son contingent de morts et de désolation.
Dans cette époque de la compétition acharnée, la quête du gain et de la supériorité matérielle semble avoir dépouillé l’homme de son humanité. L’instinct de conservation, le désir de fraternité, l’élan de curiosité, la capacité de penser, la morale religieuse ou séculière, tous ces éléments qui ont permis à l’humanité de persister et prospérer sur la terre sont en voie d’obsolescence forcée. Sous l’incessant pilonnage de messages pleins de faux-semblants, de lumineux mensonges et de ténébreuses vérités, même la vue d’étendues précipitamment défrichées au bulldozer, et leurs milliers de crevasses servant de tombes de fortune aux infortunées victimes des calamités naturelles et des bombardements, même la vue de cette détresse ne parviennent plus à susciter la moindre émotion, la moindre compassion.