International : Entretien exclusif avec Denis Sassou Nguesso, président du Congo : « ne dites plus l’Afrique noire ! C’est l’Afrique verte qui se dresse désormais ! »

Il nous reçoit dans sa résidence officielle de chef de l’État habitée par des paons majestueux, sur la rive droite du fleuve Congo, à l’ombre du pont du 15 août 1960, dont les haubans font la fierté de Brazzaville, et à portée de vue de Kinshasa, la grande sœur voisine.Le président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso nous accorde un long entretien. Se dégage de celui que son ami Alassane Ouattara surnommait « l’empereur » un mélange d’assurance et de sérénité forgées par un demi-siècle de combat politique.Entretien avec un dirigeant africain à qui l’actualité la plus chaude du moment offre l’opportunité d’honorer sa solide réputation de médiateur en chef des conflits africains.

 

 

Opinion Internationale : Monsieur le Président, merci de recevoir Opinion Internationale. Quelques questions d’actualité pour commencer. L’Afrique centrale est en proie à de fortes tensions entre la RDC et le Rwanda. Craignez-vous un embrasement de la région ?

Denis Sassou Nguesso : Nous ne ménageons pas nos efforts. Nous avons notamment accueilli une importante réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale et nous appelons les parties à la retenue.

 

Vous êtes depuis dix ans déjà à la tête du Comité de haut niveau sur la Libye. Pensez-vous vraiment que l’on sortira un jour de ce bourbier libyen ?

Mon ministre des Affaires étrangères était récemment à Tripoli pour préparer un comité préparatoire en vue de la tenue d’une conférence inclusive de réconciliation nationale en Libye qui doit se tenir avant cet été. Si tout se passe bien.

Toutes les parties ont intérêt à trouver une issue à cette crise libyenne, que ce soit l’Europe qui veut maîtriser ses flux migratoires ou l’Afrique qui voit progresser l’islamisme radical.

 

Le Congo est un Etat laïc comme la France et l’article 1 de votre Constitution le stipule. Au Congo, ne souffrez-vous pas de la montée de l’islamisme radical et du djihadisme qui ensanglante de nombreux pays africains et qui, pour tout dire, dénature l’Afrique ?

Certainement mais ces manifestations n’ont pas leur place chez nous.

Quand nous observons des manifestations de djihadisme aux frontières de la RDC, de l’Ouganda, du Mozambique, dans le bassin du lac Tchad, dans le nord du Cameroun, c’est à notre porte. C’est pourquoi nous accordons une grande importance à la résolution de la crise libyenne. 

La stabilité en Libye, c’est la stabilité dans toute l’Afrique.

 

Vous êtes parmi les dirigeants africains qui ont adopté une position neutre dans la guerre qui ravage l’Ukraine. Est-ce à dire que vous remettez au goût du jour ce mouvement des non-alignés dont vous avez été un des champions dans les années 80 ?

Pour vous dire la vérité, après la chute du mur de Berlin et l’écroulement du Pacte de Varsovie, nous avions pensé que c’en était fini des grandes alliances militaires, notamment de l’OTAN. L’Alliance atlantique est restée. On a l’impression que se recrée une ambiance de guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie.

Dans ces conditions, nous